Barricades
Une photo, jaunie -cliché, on n'en sort pas, c'est comme les nuages, de plomb, jamais d'acier-. Au coin est dessiné un cœur, minuscule, à
l’encre bleue. Ils sont assis côte à côte.sur des chaises. Celle de l’homme est plus haute ; ça ne
saute pas aux yeux, je l’ai vu il y a peu. La tranche du cliché est dentelée,
sourire, comme le timbre d’une carte postale qu’on enverrait dans le
temps. A des gens que l’on ne connait
pas forcément. C’est étrange de vouloir être photographié. J’essaie de me
souvenir ce qui m’est passé par la tête la dernière fois ; sans doute
quelque chose de futile. Dans leurs yeux ce n’est pas ce qu’on lit. De la
gravité teintée d’interrogation. Pourquoi ces portraits donnent-ils tous cet
air aux gens ? Même à ceux qui
savent rire. Étonnant. Je les trouve ridicules ainsi graves et engoncés.